Dernière mise à jour : 3 décembre 2018
Après avoir retracé l’histoire de Morris, Adrien Cahuzac revient sur une autre marque ayant fait partie de l’empire British Leyland.
L’histoire de Wolseley débute de manière assez singulière. A la fin du XIXème siècle, un Irlandais, Frederick York Wolseley, invente une des premières machines pour tondre les moutons. Ses ventes se développent très vite. En 1887, il fonde, à Sydney (Australie), la société Wolseley Sheep Shearing Machine Company Limited. Après avoir déménagé la société à Birmingham en Angleterre, Frederick York Wolseley fonde une nouvelle société, la Wolseley Engineering Limited, pour fabriquer des machines-outils et des équipements agricoles. Le jeune Herbert Austin devient son directeur technique. Ensemble, ils expérimentent la fabrication de véhicules automobiles. Le premier prototype Wolseley est conçu en 1895. Il s’agit d’un véhicule à trois roues dans l’esprit de celui du français Léon Bollée. Il dispose d’un moteur à 2 cylindres horizontaux et un arbre à cames en tête. Mais après plusieurs tentatives infructueuses, Frederick York Wolseley décide de ne pas poursuivre ses activités dans l’automobile et de se recentrer sur les machines agricoles. Il cède alors sa branche de machines-outils et d’automobiles au groupe Vickers Sons and Maxim. Une nouvelle société, baptisée The Wolseley Tool and Motor Car Company voit le jour. Herbert Austin est nommé directeur général. Il permet à Wolseley de commercialiser son premier de véhicule de série en 1901. Il s’agit d’une voiture monocylindre de 5 CV. Rapidement, suit une version à 2 cylindres de 2,6 litres et 10 CV. Les ventes suivent rapidement. Au début du XX ème siècle, Wolseley devient l’un des plus importants constructeurs automobiles britanniques, avec 327 voitures vendues en 1902, puis 800 en 1903. Mais suite à un différend, Herbert Austin décide de quitter l’entreprise en 1905, pour constituer sa propre société, la Austin Motor Company.
D’Austin à Siddeley
Wolseley se tourne alors vers le constructeur Siddeley Autocar Company qu’il rachète, et surtout son directeur, John Davenport Siddeley, pour diriger le groupe. Les automobiles sont alors renommées Wolseley-Siddeley et adoptent des moteurs verticaux, remplaçant les moteurs horizontaux développés par Herbert Austin. Avec cette association, la compagnie prospère, avec une large gamme de modèles de 2, 4 et 6 cylindres. Leader en Grande-Bretagne, elle se développe à l’étranger, au Canada et en Italie, où des filiales sont créées. Pourtant, John Siddeley, devenu Baron Kenilworth, quitte lui aussi Wolseley, en 1910, pour racheter la Deasy Motor Company et fonder plus tard la société Armstrong-Siddeley. Les automobiles retrouvent le nom unique de Wolseley. Malgré ce départ, le groupe continue à prospérer sur le marché automobile britannique. A la veille de la première guerre mondiale, le groupe, renommé Wolseley Motors Limited, est le premier constructeur automobile du pays, avec 3 000 unités produites en 1913. Durant le conflit, comme ses concurrents, la compagnie se tourne vers la fabrication de matériels militaires. Elle produit en particulier des moteurs d’avions, notamment des Hispano-Suiza à 8 cylindres.
Après la guerre, Wolseley reprend la production d’automobiles haut de gamme et poursuit son expansion. En 1918, une société commune est créée au Japon avec le groupe Ishikawajiama Ship Building and Engineering. La première Wolseley japonaise sort des chaines en 1922. En 1949, la société deviendra Isuzu Motors et fera partie du géant américain General Motors.
Faillite et rachat par Morris
La nouvelle gamme d’automobiles Wolseley est présentée à l’Olympia Motor Show en novembre 1919. Elle est composée d’une quatre cylindres de 10 hp, d’une quatre cylindres de 15 hp et d’une six cylindres de 20 hp. Les modèles rencontrent un succès important et Wolseley propose des dérivés sportifs, à carrosserie en aluminium ou très luxueux. 12 000 voitures sont fabriquées en 1921. Un record. Parallèlement, le groupe s’engage dans de dispendieuses dépenses, notamment d’expansion de son usine de Ward End à Birmingham et d’achats de nouveaux bureaux à Londres. Mais les recettes se font moins importantes que prévues. Sous l’impulsion du constructeur Morris, le marché de l’automobile se développe fortement au Royaume-Uni à cette époque, tirant les prix vers le bas, avec des modèles plus accessibles. Cette évolution oblige les concurrents à suivre. Mais cette stratégie conduit Wolseley à ses premières pertes financières dès 1920. Elles ne vont cesser de s’accroître par la suite, malgré les changements de directeurs. A la fin de 1926, Wolseley est déclaré en faillite. Aux termes d’une compétition avec Austin et General Motors, Wolseley est racheté par William Morris, lui-même, et non par sa société.
Grâce à Morris, Wolseley retrouve son positionnement dans les voitures haut de gamme à la fin des années 1920. En 1928, une huit cylindres de 2,7 litres et une quatre cylindres 12/32, à arbre à cames en tête sont proposées. Elles sont suivies par une six cylindres 21/60, baptisée Messenger Six, qui restera en production jusqu’en 1935. En 1930, Wolseley se lance dans les petites voitures haut de gamme. Il propose la Hornet, dotée d’un moteur de six cylindres, avec deux portes et quatre places. Elle dispose des freins hydrauliques de la 21/60 et ressemble à une Morris Minor avec 2 cylindres supplémentaires et un capot allongé. Trois ans plus tard, les Wolseley adoptent un emblème de radiateur éclairé, qui va caractériser les futurs véhicules de la marque. La même année, la Nine équipée d’un quatre cylindres de 1 litre vient rejoindre la Hornet, dans l’entrée de gamme. Elle est remplacée en 1935, par la Wasp, plus grosse et mieux équipée.
Des Morris haut de gamme
Anobli et devenu Lord Nuffield en 1934, William R. Morris, intègre Wolseley Motors à Morris Motors en 1935. Ce rapprochement, puis le rachat de Riley en 1938, donner naissance à la Nuffield Organization. Dès lors, les Wolseley vont devenir peu à peu des modèles adaptés des véhicules Morris, avec des moteurs gonflés et des équipements plus luxueux (habillages intérieurs en ronce de noyer…). Ainsi, la 21/60 est remplacée par la Super-Six, variante de luxe des Morris Series II, avec quatre vitesses. La 18/85, sortie en 1938, est adoptée par la police britannique pour ses qualités et sa puissance de 85 ch. Elle est la première Wolseley utilisée par Scotland Yard. Elle sera suivie par plusieurs autres six cylindres de la marque dans les années 1950 et 1960. Ce même modèle connaît une publicité importante à l’époque. Le pilote Humfrey Symons réussit le 21 janvier 1939 à battre le record de temps entre Londres et Le Cap, en 31 jours et 22 heures, malgré un accident important au Congo qui l’immobilise plusieurs jours.
A la veille du second conflit mondial, la gamme Wolseley, très complète, dispose d’une 10 hp de 1 140 cm3, une quatre cylindres 12/48 de 1,5 litre et des six cylindres de 14, 16, 18, 21 et 25 CV. La Super Six de 25 CV est disponible en plusieurs carrosseries, limousine ou décapotable.
Après la guerre, la production redémarre à l’usine Ward End près de Birmingham, mais avec une gamme plus resserrée. Prévue pour un lancement en 1940, une 8 hp est proposée en entrée de gamme. Etroitement dérivée de la Morris 8 Series E, elle dispose d’un moteur plus puissant (33 bph au lieu de 30 bhp), et d’équipements spécifiques, comme la calandre, les phares et le capot. La 10 hp et la 12/48 sont relancées, issues respectivement des Morris Ten Series M et Morris 12. Mais il faut attendre 1948 pour voir arriver un véritable nouveau modèle. Il s’agit du duo 4/50 et 6/80, doté respectivement de moteurs quatre et six cylindres. Etroitement dérivées des Morris Oxford MO et Morris Six, elles adoptent des lignes modernes, avec des phares intégrés dans les ailes avant.
Quelques mois plus tard, un nouveau coup dur est porté à l’héritage de Wolseley. Sous la pression de la direction du groupe Nuffield, les productions de la marque quittent l’usine de Ward End pour l’usine Morris de Cowley, par souci de rationalisation. En mars 1952, la Nuffield Organization et son grand rival britannique, Austin Motors Corporation, décident de fusionner. Plutôt que de continuer à se livrer une guerre commerciale sans merci, les deux groupes ont compris qu’il valait mieux s’unir et rassembler leurs forces, pour affronter la concurrence étrangère. Wolseley va se retrouver diluée dans ce nouvel ensemble. Pourtant, la marque continue sa route sur des modèles haut de gamme du groupe.
En 1953, les 4/50 et 6/80 sont remplacés par un nouveau duo : les 4/44 et 6/90. Elle dispose d’une conception innovante, avec une structure monocoque, des ailes dites « pontons » et des roues indépendantes à l’avant. Pour une fois, elles ne partagent pas leur carrosserie avec des Morris, mais avec les nouvelles MG Magnette ZA et Riley Pathfinder, tout en gardant des spécificités comme des puissances moteurs et une grille de calandre différentes.
La Princess ou la fin de Wolseley
En 1957, la gamme Wolseley est complétée par une petite berline compacte, la 1500. Equipée du moteur 1,5 litre série B de la BMC, elle est pourvue du châssis de la Morris Minor, mais avec une carrosserie inédite, partagée seulement avec la Riley 1.5. Connaissant un véritable succès, elle sera vendue à 110 000 exemplaires jusqu’en 1965. En 1962, la gamme s’agrandit encore vers le bas, avec un dérivé inédit de la Mini, la Hornet, dotée d’une carrosserie à trois volumes, avec un coffre séparé. Une version Riley est également proposée. Mais le modèle ne connaît un succès que limité. Ce fut le dernier effort de la BMC pour produire un véhicule spécifique pour Wolseley. Les modèles suivants ne vont être que des modèles rebadgés et mieux équipés d’Austin et de Morris : la grande berline Farina, la berline compacte ADO16 1100/1300 et les 18/85 et Wolseley Six, clones des berlines haut de gamme Austin et Morris 1800 / 2200. En mars 1975, la berline Austin Morris 18/22 (ADO 71) est lancée pour prendre la succession des 1800 et 2200. Une déclinaison luxueuse est proposée sous la marque Wolseley, mais ce sera un échec. Les difficultés financières que connaît British Leyland, issu du rapprochement de la BMC et Leyland en 1968, oblige le groupe à fusionner les réseaux Austin et Morris et à rationaliser ses marques. En septembre, soit six mois seulement après son lancement, la 18/22 est rebaptisée du nom unique de Princess. De fait, la marque Wolseley est condamnée à une disparition précipitée.
Adrien Cahuzac