Dernière mise à jour : 8 mai 2021
L’histoire retient que la première voiture Rover est apparue en 1904, et que la dernière fut assemblée en 2005. Soit 100 ans d’une histoire riche de rebondissements, de succès, mais aussi d’échecs. Pourtant, l’histoire de Rover commence plus de 25 ans avant la sortie de sa première voiture.
1877 : John Kemp Starley crée la J.K. Starley & Sutton Co. et démarre la fabrication de cycles. La première machine à porter le nom de « Rover », un tricycle, sort en 1884, mais la véritable innovation apparait en 1886 lorsque J. Starley invente la bicyclette moderne (Safety Bicycle). Abandonnant le principe des roues de taille différente à l’avant et à l’arrière, c’est l’une des premières bicyclettes à roues de taille identique, et entrainement de la roue arrière par une transmission à chaîne depuis le pédalier.
Le succès de ce modèle contribue à la prospérité de la société qui prend le nom de The Rover Company en 1896. Le nom de Rover est tellement associé à cette bicyclette qu’il en devient le synonyme dans plusieurs pays. Ainsi, en polonais (Rower) comme en biélorusse (Rovar), le terme de bicyclette est directement issu du nom de la marque.
J.K. Starley décède en 1901, l’année du premier tricycle motorisé. Peu après sort la première motocyclette Rover, qui comme bien d’autres, est un assemblage de pièces provenant de divers fournisseurs. Rover construira bicyclettes et motocyclettes jusqu’en 1924.
1904 : c’est le lancement du type Eight, un monocylindre de 1,3l refroidi par eau, suivi l’année d’après par un 800cm3, le 6hp, et deux 4 cylindres, les 16/20hp (3,2l) – qui, suite à la victoire sur l’île de Man en 1907 donnent naissance au modèle 20 hp Tourist Trophy – et 10/12. Une nouvelle 12hp sort en 1910, un 4 cylindre 2,3l.
Durant la Grande Guerre, Rover se concentre sur la production de motos (5 et 6 hp) destinées aux armées anglaise et russe, ainsi que des autos Sunbeams, des camions et des pièces pour tanks.
La paix revenue, Rover modifie le type Twelve qui devient ainsi Fourteen, et lance un flat twin refroidi par air 1000 cm3, 8hp qui connait un succès commercial tel qu’il entraîne la fin de la production de motos. Le succès est au rendez-vous jusqu’en 1922, date de l’apparition de l’Austin Seven. Pour y faire face le bicylindre est remplacé par un 4 cylindres à refroidissement liquide, la 9/20 mais le succès ne revient pas.
La 14 vieillit et sa remplaçante, la 14/45 quoique alléchante sur le papier n’est pas à la hauteur des espérances et doit être remplacée à son tour par la 16/50, plus conforme aux ambitions de Rover.
En 1928 sort le modèle Ten, une 9/20 portée à 1,2l, un modèle robuste et nerveux, mais insuffisant pour redresser la situation financière de la société aux portes de la grande dépression. La providence s’appellera Spencer Wilks et son premier effet est l’apparition de la 16hp Light Six, un 6 cylindre 2l, la première d’une longue lignée de « Britain’s Fine Cars » (le slogan date de 1936), mieux connue sous le nom de Blue Train, pour avoir parcouru la route de Calais à St Raphaêl plus vite que le train (ce qui supposait une moyenne supérieure à 65 km/h et de ne pas casser).
Le credo de Wilks, c’est la qualité, seul moyen de se distinguer des autres marques et il n’est pas étranger à l’abandon du projet Scarab, un modèle populaire à moteur arrière (déjà) dont la légende veut qu’il ait été longuement essayé par F. Porsche….
En 1932, le moteur de la Ten gagne 2 cylindres et dans sa version 1577cm3 est utilisé dans la 12hp Pilot et la Speed 14 Sports Saloon (triple carburateurs, 54 cv à 4800t, 80mph). Cuir et bois de rigueur. Evidemment, la carrosserie Weymann appartient au passé. Un dessin eut une destinée notable : celui de Carbodies qui devint le coupé Hastings et dont on retrouvera de nombreux traits jusque dans la P3 de 1949. La roue libre apparaît en 1933 et restera jusqu’en 1956 un élément typique des Rover.
La patte de Wilks (qui marquera les Rover durant tant d’années) se trouve dans la gamme apparue en 1934 : 10, 12, 14 hp et Speed 14 avec de nouveaux châssis (sauf pour la Speed 14) et deux nouveaux 4 cylindres, les « 100 mm » en référence à leur course commune, 1,4l pour la Ten et 1,5l pour la 12 hp.
Lorsque la guerre se déclare, la production civile cesse et Rover fabrique des moteurs d’avions et de tanks mais travaille aussi au développement des moteurs à turbine.
Galerie des véhicules Rover de la période 1904-1945
Après guerre, la production reprend avec les modèles d’avant-guerre, officieusement appelés P2. « One of Britain’s fine cars – now made finer », tel est le slogan utilisé pour introduire les modèles dits P3 en 1948. C’est le premier véritable modèle d’après-guerre présenté par Rover bien que le style suive de très près les canons de la mode d’avant-guerre. Les P3 ne resteront en production que deux ans.
En 1949 apparaissent les P4, qui seront produites jusqu’en 1964. L’année précédente, Rover introduisit le Land Rover, premier modèle du nom qui connaitra une très longue carrière et deviendra une marque à part entière bien des années plus tard. A part les connaisseurs, qui sait aujourd’hui que Land Rover est une émanation de feu Rover? C’est aussi à cette période que Rover commencera le développement de sa technologie de turbine, dans une optique de remplacement du moteur traditionnel à combustion. La voiture expérimentale Jet 1, les évolutions T2, T3 et T4, ainsi que la Rover-BRM conçue pour les courses du 24H du Mans, seront la seule interprétation de cette technologie qui ne trouvera pas de débouché commercial chez Rover.
En 1958 apparait la Rover P5. Sa silhouette classique, qui perdurera jusqu’en 1973, symbolise toute la quintessence de Rover et l’image de la marque : fiable, luxueuse mais sans ostentation, et voiture préférée des professions libérales et cadres intermédiaires de la bonne société anglaise.
En 1963 est lancée la P6, dont le style radicalement novateur la place devant bien des concurrentes de son époque. Conçue pour remplacer la P4, elle lance à elle seule la catégorie des « mid-size executive cars » pour jeunes cadres dynamiques. Elle sera produite jusqu’en 1976.
Mais l’époque d’indépendance de Rover touche alors à sa fin. Alors que Rover rachète le constructeur Alvis en 1966, il est à son tour racheté en 1967 par Leyland Motor Corporation (LMC), déjà propriétaire de Triumph. A l’initiative du gouvernement, qui refuse d’apporter son aide à une industrie automobile déjà en difficulté (Rover y échappant pourtant jusque là), LMC fusionne l’année suivante, en 1968, avec British Motor Holdings, déjà propriétaire des marques Austin, Morris, Jaguar. L’entité résultante est British Leyland Motor Corporation, ou BLMC.
L’époque British Leyland sera marqué par toute une série de défaillances, tant sur le plan de la gestion que de la qualité de la production, sur fond de conflits sociaux en tout genre. Partiellement nationalisé en 1975, British Leyland sera notamment miné par un portefeuille de marques beaucoup trop important. Certaines comme Alvis disparaitront très rapidement, d’autres comme Triumph ou Austin un peu plus tard. Jaguar retrouvera son indépendance en 1984, mais pour les autres, il deviendra difficile d’établir chacune sur un segment de marché bien précis, et de conserver ainsi leur spécificité.
C’est dans ce contexte que sort en 1976 la Rover SD1. SD1 est l’acronyme de Specialist Division, division regroupant Rover et Triumph au milieu des années 1970. Première voiture à hayon pour la marque, élue voiture de l’année, sa ligne moderne et sa motorisation V8 au lancement sont malheureusement ternies par une finition médiocre. Elle symbolise à elle seule les difficultés rencontrées par British Leyland à cette époque.
Plombé par les déficits et une image de marque en constante chute, c’est à cette époque que British Leyland signe un accord stratégique de partenariat avec Honda, en vue de développer conjointement des véhicules. Honda apporte son expertise et prendra 20% du capital de British Leyland quelques années plus tard.
Illustration de la volonté de British Leyland de rationaliser son portefeuille de marques, Rover passe progressivement de son segment d’origine, celui des berlines, à celui de constructeur généraliste. Une première étape est l’élimination de Triumph, le concurrent le plus direct de Rover au sein-même de British Leyland, puis le regroupement de Austin et Rover au sein de Austin Rover Group, sous-division de Leyland en charge des véhicules grand public. Austin occupe le créneau des véhicules généralistes et citadins, tandis que Rover reste sur un segment plus haut de gamme.
Mais cette distinction disparait progressivement au cours des années 1980. Si au début de cette décennie, les Austin Metro, Maestro et Montego cohabitent avec la Rover SD1 sans se faire concurrence, l’image de marque déclinante d’Austin conduit les dirigeants de British Leyland dans une politique de rationalisation (encore une) consistant à faire de Rover la marque dominante, puis unique, de l’entité. C’est le fameux processus de « roverisation » qui commence.
Ainsi, Rover lance en 1983 la Rover 213/216, deuxième collaboration avec Honda après la Triumph Acclaim, et concurrente de l’Austin Maestro, même si plus raffinée.
En 1986, British Leyland devient Rover Group. Le nouveau groupe comprend Rover bien sûr, mais aussi Land Rover (qui était devenu une marque à part entière en 1978), Austin, et MG (qui n’est à cette époque qu’une marque apposée sur des véhicules Austin améliorés comme la Maestro).
Rover Group est privatisé en 1988, en étant vendu à British Aerospace. Les Austin Maestro et Montego seront arrêtées au début des années 1990 et ne seront pas remplacées, signant la fin de la marque Austin. La version break (Estate) de l’Austin Montego continuera à être commercialisée jusqu’en 1994, après avoir abandonné son badge Austin. Rover prend ainsi pleinement le rôle de constructeur généraliste, ce qui est illustré par le lancement en 1989 de la deuxième génération de Rover 200, et sa variante à coffre Rover 400.
La SD1 est quant à elle remplacée en 1986 par la Rover 800, qui bénéficiera d’un restylage assez réussi en 1992. Et la 600, lancée en 1993, viendra s’intercaler entre ces deux modèles. La gamme comprend alors, en 1994, toute la panoplie d’un constructeur généraliste :
- Rover 100, citadine, issue de l’Austin Metro
- Rover 200/400, berline moyenne, co-developpée avec Honda
- Rover 600, berline familiale, co-développée avec Honda
- Rover 800, routière, co-développée avec Honda
C’est alors que le futur de Rover prend une tournure inattendue. Alors que les mauvais souvenirs de la période British Leyland sont en grande partie soldés, et que le succès de la gamme 200/400 a permis à Rover de renouer avec une croissance de ses parts de marché (malgré un équilibre financier toujours précaire), Rover Group est revendu à la surprise générale à BMW début 1994. BMW, qui est alors en plein développement à l’international mais n’a pas un volume de production à même de lui assurer une taille critique, cherche à se diversifier sans pour autant nuire à son image premium en devenant un généraliste.
L’acquisition de Rover lui permet d’atteindre cet objectif, en achetant les 80% de Rover Group détenus par British Aerospace. Honda met fin à sa collaboration avec Rover 15 jours plus tard, en revendant à BMW les 20% qu’il détenait dans Rover Group.
C’est notamment sous période BMW que sera mené à bien le développement de la Rover 75, qui remplace les modèles 600 et 800 en 1999. Marquant un véritable renouveau chez Rover, qui bénéficie grâce à BMW d’un budget de développement conséquent et inhabituel (comparé aux précédents modèles), la Rover 75 puise dans l’héritage de la marque et revient à ses fondamentaux et à l’esprit des P5 et P6 notamment : intérieur raffiné, comportement routier exemplaire et finition en grand progrès. Le style rétro de la voiture rend aussi hommage à ce passé révolu…ce qui fera dire à certains que malgré toutes ses qualités, la Rover 75 n’est peut-être pas la voiture qui permettrait à Rover d’attirer une clientèle plus jeune, et de réhausser ses parts de marché.
En 1995, sort la nouvelle Rover 200, suivie un an plus tard par la nouvelle Rover 400, dernier témoin de la collaboration passée avec Honda. Dans la foulée du lancement de la 75, elles sont rebaptisées respectivement Rover 25 et 45 en 1999, l’objectif étant de les remplacer par de nouveaux modèles, à savoir la nouvelle Mini pour l’une et la future Rover 55 pour l’autre, courant 2001.
Mais cela n’arrivera pas. BMW ne réussit pas à remettre Rover sur les rails. Les différences de culture et de management, et la volonté affirmée par BMW lors du rachat en 1994 de ne pas interférer dans la conduite des opérations chez Rover, ne permettent pas de mettre un terme à l’érosion des ventes qui survient à partir de 1997-1998 et les résultats déficitaires qui en découlent. Malgré un investissement considérable dans Rover, à travers le développement de la 75, de la nouvelle Mini, et la restructuration de l’usine d’Oxford, BMW finit par jeter l’éponge au début de l’année 2000.
Le groupe Rover est alors démantelé. Land Rover, seule filiale profitable du groupe, est revendu à Ford, déja propriétaire de Jaguar, pour 1,8 milliard de £, tandis que la marque MG et la production de voitures sous la marque Rover sont revendus à un consortium d’investisseurs britanniques menés par l’ancien patron de Rover Group, John Towers, pour 10£ symboliques, assortis d’un prêt de 500 millions de £. BMW reste propriétaire de la marque Rover, et conserve dans son escarcelle la nouvelle Mini, alors en finalisation de développement chez Rover, ainsi que l’usine d’Oxford. Initialement prévue pour un assemblage sur le site de Longbridge, la Mini voit ses chaines de production partiellement achevées déménager à Oxford, tandis que celles de la Rover 75 font le chemin inverse vers Longbridge.
Le nouveau groupe, baptisé MG Rover, bénéficie alors d’un sursaut patriotique et les ventes de Rover, en avril 2000, sont particulièrement fortes (la Rover 25 est en avril 2000, la voiture neuve la plus vendue sur le territoire britannique). De nouvelles versions sportives, sous label MG, des voitures Rover sont lancées en 2001 (MG ZR pour la Rover 25, MG ZS pour la Rover 45, et MG ZT pour la Rover 75), de même que la version break (Tourer) de la Rover 75. Une version V8 de la Rover 75/MG ZT est même commercialisée.
Mais le groupe MG Rover n’a pas les moyens de continuer son développement, et surtout de renouveler ses modèles seul. Les Rover 25 et 45 accusent le poids des années, et MG Rover cherche alors à établir un partenariat avec le constructeur chinois SAIC. Lorsque les négociations échouent (SAIC découvrant au dernier moment la situation financière réelle et catastrophique de MG Rover, et renonçant donc au partenariat annoncé), MG Rover n’a pas d’autre choix que de se mettre en faillite, en avril 2005, signant ainsi la fin de la production de voitures Rover après plus d’un siècle.
Lors de son démantèlement, le peu d’actifs restant du groupe MG Rover, notamment la marque MG, sont achetés par les chinois du goupe Nanjing Automobile Corporation (NAC), qui relance alors la production de la MG ZT (rebaptisé MG7) sur le marché chinois. SAIC avait pour sa part obtenu les droits intellectuels sur les Rover 25 et 75, et développé sa propre version de la Rover 75 pour le marché chinois. Mais n’ayant pu obtenir la marque Rover auprès de BMW, il créé alors une marque pour l’occasion, Roewe. La voiture, baptisée Roewe 750, profondément modifiée, a été produite sur place jusqu’à la fin de l’année 2016. Il est à noter que SAIC a racheté NAC en 2008, et est donc désormais propriétaire de la marque MG, qu’il tente de relancer sur le marché britannique, sans grand succès pour le moment, au travers d’une gamme de véhicules généraliste qui n’a plus aucun lien de parenté avec l’ancien groupe MG Rover, et encore moins avec l’héritage sportif de MG. Le site de MG Motors UK, propriété de SAIC, est basé sur le site historique de Longbridge, ou du moins ce qu’il en reste après le démantèlement de plus de 90% du site.
Quant à la marque Rover, elle fut revendue par BMW à Ford, propriétaire de Land Rover, en 2006. Avec la revente de Jaguar-Land Rover à l’indien Tata Motors en 2008, ce dernier est devenu le propriétaire de la marque Rover, considérée comme dormante puisque sans aucune production. A ce jour, Tata Motors n’a pas fait part de son intention de relancer ou non, un jour, la production de véhicules sous la marque Rover.