MINI (R50/R53) : une BMW conçue par Rover

Dernière mise à jour : 3 décembre 2018

La « nouvelle » MINI est un produit BMW, comme chacun sait. Vraiment?

La Mini première du nom fut lancée en 1959 par BMC, sous les dénominations Morris Mini-Minor et Austin Seven. Rebaptisée Austin Mini en 1962, elle devient sa propre marque, Mini, en 1969, et restera essentiellement inchangée jusqu’à la fin de sa production en octobre 2000.

La nouvelle MINI, dont le nom fut capitalisé au lancement en 2001 par BMW, ne partage évidemment aucun élément de son ancêtre, tout en lui rendant hommage au travers d’une ligne « rétro » assez réussie. Mais ce que beaucoup de gens ignorent, c’est que cette MINI fut principalement conçue par Rover, et devait être assemblée dans l’usine de Longbridge. Cet article se propose de revenir sur le développement de cette voiture et ce qui fut, sans doute, la plus grosse perte pour Rover lorsque BMW s’en sépara en 2000.

1993 : Rover envisage sérieusement le remplacement de la Mini

Etude de style MINKI
Etude de style MINKI

Il y avait bien eu, depuis les années 60, plusieurs tentatives et projets visant à remplacer la Mini, mais aucun n’arriva à cette fin. La Metro, lancée en 1980, avait été initialement conçue dans cette optique, mais sa commercialisation ne mit pas fin à celle de la Mini. Il faut dire qu’elle était devenue, depuis son lancement en 1959, une icône britannique, et ses déclinaisons sportives Cooper et Cooper S y étaient pour beaucoup. Mais sa conception ancienne, sa motorisation antédiluvienne (bloc A-Series) qui ne passerait pas les futures normes anti-pollution, et un assemblage réalisé pratiquement à la main coûtaient beaucoup d’argent à Rover. Au début des années 90 donc, il fut sérieusement envisagé de la remplacer. Plusieurs approches furent tentées, mais devant le peu de financement dont disposait alors Rover sous la propriété de British Aerospace, l’idée émergente fut de conserver la ligne tout en modernisant la mécanique et la suspension. Ainsi, des Mini Classic furent équipés de blocs moteur K-Series, issus de la Rover 200, et d’une suspension Hydragas, chère à son concepteur Alex Moulton, tandis que l’habitacle fut repensé (sièges, tableau de bord…). Le projet, baptisé Minki, donnait grande satisfaction. L’histoire de ce projet est relatée en anglais sur le site Austin Memories.

1994 : BMW arrive

Les deux concepts Spiritual (1er plan) et Spiritual Too (arrière-plan) présentés en 1995 en interne
Les deux concepts Spiritual (1er plan) et Spiritual Too (arrière-plan) présentés en 1995 en interne

C’est à ce moment que BMW se retrouve propriétaire de Rover Group. Et parmi les idées que le constructeur bavarois a pour Rover, figure évidemment le remplacement de la Mini. BMW a en effet bien compris l’intérêt que pouvait représenter une version moderne de cette icône, en termes de volumes de vente et donc de rentabilité pour le groupe. Mais contrairement à d’autres voitures « symboles » comme la Porsche 911, qui a su évoluer au fil des ans tout en devenant immédiatement reconnaissable, la Mini était restée figée en 1959.

La nouvelle Mini (ici dans sa variante Cooper S R53) dessinée par Frank Stephenson
La nouvelle Mini (ici dans sa variante Cooper S R53) dessinée par Frank Stephenson

BMW lance alors un concours interne pour déterminer quelle approche la nouvelle Mini devait adopter. Le projet Minki est relancé sous le nom de Minki II, des stylistes de BMW proposent leur propre approche, tandis que Rover propose plusieurs idées, baptisées respectivement Evolution, Revolution et Spiritual. Seuls les modèles issus de l’approche Spiritual sont aujourd’hui connus. Ils sont d’ailleurs exposés au musée BMW World à Munich. Jugés trop révolutionnaires par le management de BMW, ils sont rejetés, et c’est finalement l’approche stylistique proposée par un styliste de BMW basé en Californie, Frank Stephenson, qui est retenue. Mais pour bien illustrer le fait que cette voiture devait être anglaise, c’est Rover qui est chargé de concevoir la voiture, à partir de 1996.

1996-1999 : Le développement de la nouvelle Mini (R50/R53)

Le concept-car ACV30 présenté début 1997
Le concept-car ACV30

Sous les noms de code R50 (Mini et Mini Cooper), et R53 (Mini Cooper S), le projet est développé par les équipes de Rover à Gaydon, tout en étant supervisé par BMW. Le choix du moteur fut ainsi l’un des principaux points de discorde entre Rover et BMW. Rover pense évidemment à utiliser les moteurs K-Series, mais ils se heurtent à l’impossibilité de les loger sous le capot. Le style étant déjà finalisé, BMW cherche une autre approche, et finit par établir un partenariat avec Chrysler pour la fabrication, au Brésil, de moteurs destinés à équiper la nouvelle Mini (chez Chrysler, on les retrouvera dans la PT Cruiser notamment). Baptisé Tritec, ces nouveaux moteurs sont adaptés par Rover pour la nouvelle Mini. La Cooper S (R53) disposera d’une version avec compresseur de ce bloc, développant 163 puis 170 chevaux.

Photo de presse révélant la future nouvelle Mini (1997)
Photo de presse révélant la future nouvelle Mini (1997)

Après avoir présenté un concept-car Mini (ACV30) en 1997, afin de faire patienter la presse, le style de la nouvelle Mini est dévoilé lors du salon de Francfort en 1997. Un communiqué de presse accompagne alors cette présentation, et sa rédaction ne laisse aucun doute : la nouvelle Mini est « conçue par Rover à Gaydon, et sera assemblée à Longbridge ».

D’ailleurs, les préparatifs sont déjà là pour la production de la nouvelle voiture à Longbridge. Le site bénéficie d’un important programme de réaménagement, afin d’accueillir un nouveau hall de peinture, un hall d’assemblage, et un nouvel atelier de pressage des tôles.

Dans la presse, se dévoilent les premiers prototypes finalisés, assemblés à Longbridge. Ainsi, John Cooper pose en Août 1998 dans l’enceinte de Gaydon aux côtés de la nouvelle Mini Cooper.

Pourtant, dès 1998 il semble acquis que BMW souhaite garder la main sur la voiture. Comme le révèle Didier Maitret, président de BMW France à l’époque, dans la presse automobile fin 1998 : la nouvelle MINI sera vendue dans les concessions BMW, et non dans les concessions Rover.

2000 : BMW reprend le contrôle et garde MINI

Prototype de Mini R50 à Longbridge
Prototype R50 à Longbridge

Mais alors que la voiture est dans les phases finales de développement, le sort de la nouvelle Mini va changer de mains. Début 2000, les responsables du projet en Angleterre se voient demander par BMW le rapatriement à Munich de l’ensemble des données du programme. BMW en reprend le contrôle, et la raison ne tardera pas à être connue : BMW décide alors de se séparer de Rover, mais n’a aucune intention de perdre la nouvelle Mini, dont il sait le potentiel économique. Les repreneurs de Rover, le consortium Phoenix, plaideront en vain pour conserver la voiture dans leur escarcelle. Ils n’obtiendront comme maigre lot de consolation que le droit de produire la 1ère génération de Mini jusqu’en octobre 2000, date à laquelle BMW prévoit de lancer sa remplaçante.

Première coque de Mini R50, photographiée à Oxford
Première R50, à Oxford

Quant au site de Longbridge, il ne produira jamais la moindre MINI. Les lignes d’assemblage sont déménagées sur l’usine de Cowley (Oxford), que BMW décide de garder pour lui et qui assemble alors la Rover 75. Les lignes de production de celle-ci font le chemin inverse vers Longbridge.

Après une année de finalisation de la voiture par BMW, en collaboration avec la société de consultants Ricardo chargée d’apporter l’expérience des anciens ingénieurs Rover associés au projet, la nouvelle MINI est lancée et devient un succès immédiat et mondial. La deuxième génération (R56) puis la troisième (F56) viendront remplacer, respectivement en 2007 et 2014, la R50/53 qui est sans doute la plus désirable des MINI de nouvelle génération. Un produit qui aurait sans doute permis à Rover Group de sortir de ses difficultés financières, si le temps n’avait pas joué contre lui face à au désintéressement croissant de BMW.

Fin 2013, un reste de prototype de Cooper S (R53) est apparu sur eBay. Le nom de Rover y apparait un peu partout, comme sur l’électronique ou les vitres (photos ci-dessous). Une preuve au grand jour, s’il en fallait une, de la vraie origine de la nouvelle MINI. On ne peut que regretter qu’après avoir tellement contribué à la conception de cette voiture, le groupe Rover en ait perdu tous les avantages. Quant aux MINI actuelles, si elles sont toujours assemblées à Oxford, elles sont conçues par BMW en Allemagne et aux Etats-Unis, BMW ne disposant pas de centre d’études dédié à MINI en Angleterre.