Le retour de Rover est-il souhaitable…ou même possible?

Dernière mise à jour : 4 juin 2017

Régulièrement, certains journalistes automobiles, notamment au Royaume-Uni, spéculent sur un retour de la marque au drakkar. 

Ce weekend encore, un article paru dans le Birmingham Post, journal des Midlands britanniques et berceau de l’industrie automobile anglaise, s’interrogeait sur la pertinence, aujourd’hui, d’un retour de la marque au drakkar. Si un certain nombre d’amateurs, britanniques ou autres, le souhaitent ardemment, il convient d’être réaliste : ce retour est hautement improbable à court ou moyen terme.

Tout d’abord, rappelons que c’est Tata Motors, au travers de sa division Jaguar-Land Rover, qui est aujourd’hui propriétaire de la marque Rover et de l’imagerie (logo au drakkar) associée. Jaguar-Land Rover en est devenu propriétaire en 2006, lorsque son propriétaire d’alors, Ford, en a racheté les droits à BMW, qui les détenait toujours. L’objectif était alors de préserver sa propre activité et sa marque Land Rover, afin d’éviter que des industriels chinois ne cherchent à commercialiser des voitures sous la marque Rover, créant ainsi la confusion avec Land Rover (la marque MG est elle, en revanche, la propriété de Shanghai Automotive Industry Corporation, SAIC).

Si la marque Rover est ainsi depuis réunie avec celle qui en était auparavant l’émanation (Land Rover), cela n’a donc jamais été fait dans l’optique de la relancer, mais bien de protéger le business et la marque Land Rover.

Pour autant, posséder une marque est un préalable à une éventuelle relance sur le marché…mais Jaguar-Land Rover en a t-il besoin?

Au travers de ses deux marques « premium », Jaguar-Land Rover est aujourd’hui une entité hautement profitable pour Tata Motors (qui est lui chroniquement déficitaire sur son propre marché indien), en particulier pour Land Rover qui représente plus de 82% des ventes de l’entité aujourd’hui. Le succès de modèles comme le Range Rover Evoque, le renouvellement en cours de la gamme avec l’apparition du nouveau Discovery Sport (remplaçant du Freelander), et la diversification de Jaguar vers des modèles plus compact, avec la commercialisation dans quelques mois de la nouvelle Jaguar XE, traduisent la volonté de croissance forte de Jaguar-Land Rover sur tous les marchés. Pour autant, le volume global de ventes de l’entité (environ 460000 voitures sur l’année 2014) ne lui permet pas encore d’atteindre la masse critique nécessaire pour envisager sereinement l’avenir. Jaguar-Land Rover est aujourd’hui un peu dans la situation dans laquelle se trouvait BMW il y a 20 ans, et qui avait justement entrainé le rachat de Rover Group par ce dernier.

Pour accroître son volume de ventes, Jaguar-Land Rover ne peut que diversifier ses produits et sortir de nouveaux modèles, ce qui est justement la stratégie en cours. Mais pour devenir un constructeur pleinement autonome et sécurisé, à l’abri de toute OPA extérieure, une descente en gamme est nécessaire. Tout en conservant une approche « premium », Jaguar-Land Rover se doit de proposer des produits plus compacts et abordables, à l’instar de BMW avec la gamme MINI. Dans une autre mesure, c’est aussi ce qu’a entrepris Volkswagen en relançant avec succès la marque Skoda dans les années 90.

Le Range Rover Evoque a permis à Land Rover d’accroitre significativement ses parts de marché dans le domaine du SUV.

Mais quel blason apposer sur ces produits? Serait-il légitime d’apposer un blason Land Rover sur des véhicules qui ne seraient pas des 4×4 ou des SUV (de notre point de vue, évidemment non)? La marque au fauve peut-elle s’apposer sur des véhicules plus généralistes? Le risque est grand, en procédant ainsi, que de détruire l’image même de la marque et de perdre le consommateur. C’est ce que BMW se refusait à faire au début des années 1990. C’est ce qui a, en partie, entrainé la chute de Rover, son badge se retrouvant apposé parfois sur des véhicules indignes (l’exemple le plus frappant étant la CityRover).

Cette réflexion étant posée, on pourrait donc se dire que Jaguar-Land Rover dispose justement, avec Rover, d’une marque qui pourrait être apposée sur des véhicules qui ne sont ni des SUV ou des 4×4, ni des berlines surpuissantes et racées.

Pour autant, cette stratégie est très risquée, et explique sans doute pourquoi, même si elle a sans doute été plus ou moins discutée en interne, elle n’est pas aujourd’hui d’actualité. La marque Rover dispose certes d’une image positive auprès des amateurs que nous sommes, en Europe continentale ou au Royaume-Uni, mais pour le grand public, l’image est toute autre. Les affres de la gestion du groupe MG Rover, et les polémiques entourant son quarteron de dirigeants (les fameux Phoenix Four) dans ses dernières années, se sont ajoutés à des années d’image de marque déclinante, sur fond de qualité de fabrication, de produits destinés à une clientèle vieillissante, et ce dès les années 70 et l’absorption de Rover dans British Leyland. Nous fêterons cette année les 10 ans de la faillite de MG Rover. C’est déjà loin, et très proche à la fois…

Aujourd’hui, tout porte à croire que Jaguar-Land Rover souhaite avant tout consolider ses deux marques existantes. Le succès de Land Rover aujourd’hui est indéniable, et est une vraie satisfaction alors que Land Rover était à la peine au début des années 2000. Le succès de Jaguar, en revanche, est tout relatif aujourd’hui. Son volume de vente reste modeste (environ 80000 voitures sur l’année écoulée), mais devrait s’accroitre avec le lancement de la XE, puis celui dans quelque temps d’un SUV, une première pour la marque.

Si Jaguar-Land Rover envisageait, un jour, de relancer la marque Rover, cela ne pourrait se faire qu’avec un projet industriel viable, avec des produits complémentaires de ceux aujourd’hui proposés sous les marques Jaguar et Land Rover, et avec une stratégie marketing puissante, à même de passer sous silence le passif toujours associé au drakkar dans l’esprit du grand public (si tant est qu’il s’en souvienne encore).

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